Le système alimentaire est cet ensemble complexe d’interac-
tions qui permet à nos sociétés de s’alimenter. Il n’est cependant pas identique selon les produits et les conditions de leur production.
Choisissons deux exemples.
La fabrication d’un panier de légumes bio acheté au marché, directement à la productrice.
Pour venir vendre ses légumes, la maraîchère a utilisé sa fourgonnette, du carburant et un réseau routier adapté. Au quotidien, elle utilise des outils (binette, bêche, brouette, sécateur, semoir), des machines (pompe, tracteur, motoculteur) nécessitant carburant ou électricité, un local de stockage et tout un tas de matériel indispensable : terreau pour les semis, bâches couvre-sol, filets de protection, tuyaux d’irrigation. Notre maraîchère emploie des produits phytosanitaires (bouillie bordelaise, par ex). Elle achète la plupart de ses graines et de ses plants directement à des pépiniéristes et récupère du fumier de cheval chez un voisin. L’innocente salade mâche-betterave-carotte mangée en revenant du marché, a donc pu arriver dans notre assiette grâce à ces multiples interactions entre différents acteurs spécialisés.
Après transit dans notre intestin, notre sang et nos organes, nous excrétons les éléments chimiques qui composent ces légumes par nos selles et nos urines. La gestion et le devenir de ces nutriments (azote, phosphore, potassium…) font aussi partie de la question de l’alimentation.
On commence à entrevoir la complexité de ce à quoi peut ressembler un système alimentaire. Mais tout ça n’est rien comparé au yaourt à la fraise acheté en grande surface !
La fabrication d’un yaourt à la fraise
Commençons par rassembler tous les ingrédients nécessaires à sa fabrication : yaourt (lait écrémé, poudre de lait écrémé, crème, ferments lactiques), fraises, sucre, jus de carotte, amidon transformé de maïs, arômes, épaississants (gomme de guar, carraghénanes).
Le lait provient d’une ferme de 150 vaches Prim’Holstein, nourries avec herbe et maïs cultivés sur l’exploitation et des tourteaux de soja importés du Brésil. Le lait est collecté grâce à une trayeuse électrique puis acheminé en camions-citernes isothermes à la laiterie où il est transformé. Lait écrémé, poudre de lait et crème sont ensuite transportés à l’usine de fabrication de yaourts pour l’ensemencement avec les ferments lactiques.
Les fraises sont cultivées sous serre dans le sud de l’Espagne et transportées dans des camions frigorifiques. Le sucre est issu du raffinage de betteraves sucrières dans une sucrerie de la Beauce. Le jus de carotte est produit dans une autre usine de transformation.
L’amidon transformé de maïs est un agent de texture : il est produit industriellement, suite à différents procédés chimiques et mécaniques. Les arômes sont synthétisés dans une unité de chimie fine. Enfin, les épaississants sont extraits industriellement d’une légumineuse cultivée en Inde pour la gomme de guar et des algues rouges cultivées aux Philippines pour les carraghénanes.
Plus d’une dizaine d’espèces végétales, animales et microbiennes, provenant de trois ou quatre continents, sont donc impliquées dans la fabrication de notre yaourt à la fraise. Chacune de ces productions est elle-même issue d’un système d’une grande complexité : matériel agricole spécialisé, engrais minéraux et organiques, produits phytosanitaires, semences, dispositifs d’irrigation…
Vient ensuite l’usine de transformation dans laquelle de multiples machines permettent de mélanger les ingrédients, de conditionner le produit fini dans des pots de plastique issus de la pétrochimie, emballés dans des cartons plastifiés bariolés de colorants de synthèse.
Des systèmes de réfrigération permettent de respecter la chaîne du froid depuis l’usine de transformation jusqu’au domicile du consommateur, en passant par les véhicules de transport et les rayons du supermarché. Rajoutons le porte-conteneurs permettant au soja de traverser l’Atlantique, et la voiture du client du magasin. Et bien entendu, toutes ces usines, ces machines, ces moyens et infrastructures de transport ou de stockage consomment énergie et matières premières.
Derrière ce banal yaourt à la fraise se cache donc l’immense complexité du système alimentaire industrialisé prédominant dans notre société occidentale aujourd’hui.
Cette complexité vertigineuse du système alimentaire industrialisé dans la société capitaliste néolibérale, particulièrement pour les aliments transformés, rend extrêmement fragile l’approvisionnement local des populations et pose la question de l’autonomie alimentaire.
L’économie capitaliste et la recherche du profit maximum immédiat impose une culture du « flux tendu ». Il suffirait d’une grave crise d’effondrement de cette société et de tout le système de transport des marchandises, pour que notre approvisionnement local devienne extrêmement difficile.
Nos municipalités sont-elles dépendantes de cette économie ? Ont-elles une réelle politique d’anticipation des catastrophes alimentaires ?
Il est urgent de mettre en œuvre dans nos communes une politique de transition écologique fondée sur une production locale et tendant vers l’autonomie alimentaire.
Dans le système alimentaire conventionnel, la production de masse est la priorité, les prix des aliments ne sont pas en lien avec leur valeur nutritive, et la nourriture ne fait pas partie des préoccupations municipales.
Au contraire dans un système alimentaire sain, la santé est la priorité, le prix des aliments favorise les choix sains. La question de la nourriture et du développement durable est considérée comme essentielle par les municipalités. Celles-ci établissent des partenariats entre les services municipaux et les organisations de la société civile.
P.T.
Cet article s’inspire en partie d’un article présent sur le site Les Greniers d’Abondance : https//resiliencealimentaire.org