« Mais non, ce n’est pas l’année du Covid et la rumeur de manque de nourriture dans les magasins qui nous ont poussés à commencer un potager… c’était il y a déjà 8 ans. Sur une petite parcelle seulement, et puis c’est devenu une passion ! » « Oh moi, ma famille a toujours cultivé son jardin, donc tu comprends pourquoi mes tomates, je sais comment les tuteurer… » « On a pris ce terrain avec des copains, mais on n’y connaît rien du tout, et ça n’est pas évident le jardinage. Mais on va apprendre et on se marre bien en tous les cas. Première salade, on est très fiers et on va se la manger ensemble ! »
L’autonomie alimentaire préoccupe partout en France et dans le monde, et cette année 2021 a vu beaucoup de jardiniers amateurs se lancer dans l’aventure potagère. Au départ, on rêve indépendance alimentaire. Mais les jardins potagers ne fourniront pas actuellement la nourriture pour tout le monde, ni sur toute l’année. Entre problèmes de climat, inondations, maladies et attaques d’insectes, visites des sangliers, des taupes ou des doryphores, et le temps qui manque pour se consacrer vraiment au jardin, il n’est pas simple d’avoir une production suffisante. Les étés deviennent par exemple si chauds que les fleurs de tomate font peu de fruits en juillet et il faut attendre août ou même septembre pour avoir enfin de bonnes récoltes.
Si l’exigence d’une récolte abondante occasionne traitements chimiques, désherbants et engrais de synthèse à tout va… on mangera des légumes de qualité très médiocre, et on abimera le sol des jardins sur le long terme.

Reproduire tous les défauts de l’agriculture industrielle à l’échelle d’un jardin individuel ou familial, quel intérêt ?
Des jardins partagés se développent dans les zones de potagers mais aussi en pleine ville, îlots de résistance à la bétonisation. Ce qui est proposé est simple : appliquer les principes de base des jardins familiaux — convivialité, courtoisie, solidarité, entraide, respect des autres et de l’environnement —, utiliser des produits phytosanitaires d’origine biologique, appliquer des méthodes d’économie d’eau… Chercher les solutions en cas de pollution des terres. Cela apporte à la fois plus de chance de manger des légumes car même si les escargots ont pillé mon repiquage de salades, ou si j’ai raté le semis de carottes cette année, j’aurai des chances d’en avoir tout de même, parce que cela aura mieux réussi dans une autre parcelle. De même si le savoir-faire me fait défaut, une autre personne pourra m’aider, et nous chercherons ensemble la solution. Enfin si je peine à la tâche du désherbage par exemple, plusieurs viendront à ma rescousse et le travail se fera de façon efficace et joyeuse… à charge de revanche.
C’est toute une philosophie à retrouver : non plus la concurrence et l’individualisme, mais le soutien de chacun.e pour les autres.
Partages solidaires, échanges de connaissances et d’outils, chantiers collectifs, convivialité… tout cela participe d’une denrée qui nous est indispensable : le lien social. Cultiver ce lien nourrit nos vies pour le présent et nous permettra d’inventer les perspectives originales pour le dépassement des crises du futur.

A.V.