Bienveillance et ténacité en Cévennes

Au Fourcoal, oasis en petite montagne près de Roquedur, Hayet et Julien Pons cultivent légumes de saison et pommiers depuis 2013.
Elle était secrétaire médicale, lui pépiniériste, puis apprenti berger, mais c’est Hayet qui a motivé Julien pour s’installer en maraîchage : ils ont trouvé une location à Laroque et repris les terres de Daniel Hébrard, des pommiers en bord d’Hérault, une serre et deux champs. S’y sont rajoutés des terrains un peu plus haut, soigneusement travaillés.
Il fallait 3 ans de « reconversion » pour avoir le label bio, mais dès 2016, Hayet et Julien ont produit assez pour en vivre.
Le mardi matin ils sont au marché du Vigan,
(de mai à octobre), le vendredi à celui de Ganges.
Ils vendent aussi leurs produits à L’aura des champs (boutique paysanne du Vigan), à la Biocoop de Laroque, un peu aussi à Terramaïre (groupement d’achat), et préparent des paniers pour l’école Montessori de Cazilhac.

En automne, quelques foires à Lasalle et au Vigan complètent leur emploi du temps, bien rempli il faut dire ! En cas d’abondance, ils amènent les légumes à Rogues, et, avec leur recette ou celle de Fabia, responsable de la conserverie, sont préparés soupes et coulis. Quant aux pommes, c’est l’entreprise Cante Merli qui fait le pressage et la mise en bouteilles.
Cet hiver Hayet et Julien ont trouvé à louer un hectare de plus à Laroque pour les cultures d’été. Les légumes d’hiver resteront au Fourcoal.
Petits producteurs, avec peu de matériel et pas de hangar ni d’abri, ils ont su s’adapter et ont été bien accueillis par leurs voisines de jardin, Sarah et Amélie, qui les conseillent. La présence des sangliers et des chevreuils, les aléas climatiques — le gel de ce printemps a gâché les fleurs de pommiers — la vie paysanne n’est pas facile, mais grâce à leur ténacité, Hayet et Julien sont un exemple positif d’adaptation cévenole réussie.
O.G.

Élever en bio,
 le choix de toute une vie !

Hélène Calvet, productrice de Pélardons bio depuis 32 ans à Salagosse avec son compagnon, en AOP depuis 20 ans, vend ses produits aux marchés du Vigan et de Ganges.
Avoir l’Appellation d’Origine Protégée et être en bio exige des contraintes. Je ne travaille que le lait cru, deux traites ensemble, celle du matin et celle du soir. Il faut des traitements vétérinaires limités, pas plus de deux par an (antibiotique et antiparasitaire). L’alimentation des chèvres est en pâturage bio et, l’été ou l’hiver, quand il n’y a plus assez d’herbe à la montagne, un complément de foin et de concentré (céréales et protéagineux), bio également.
Nos bêtes sont à l’extérieur au moins 210 jours par an et, depuis la présence du loup — signalé en 2016 sur le Lingas à 2 km de l’exploitation — il a fallu s’adapter. On ne peut plus les lâcher dans les bois, il faut être tout le temps avec elles.
Leur troupeau de 76 chèvres est particulièrement protégé de la pollution, par l’éloignement de leur exploitation, en contrepartie les déplacements sont plus longs et compliqués.
Les marchés locaux sont très importants pour nous, petits producteurs, qui n’irons jamais pla- cer nos produits en grande distribution. C’est de la vente directe (impossible là-haut). Une relation de con ance se crée avec la clientèle et justement aujourd ’hui, le public se sent plus concerné par une consommation responsable.

Hélène Calvet – éleveuse de chèvres et productrice de Pélardons à Salagosse – marché de Ganges – juin 2021 – © Nathalie CRUBÉZY

Et les algues ?

J’ai écouté « Chroniques littorales » sur France inter, avec Vincent Doumeizel, conseiller océan au Pacte Mondial des Nations Unies (le 19 mai 2021 à 5 h 12).
La première coalition mondiale des acteurs de l’algue s’est tenue en mai 2021. Cette ressource, la moins exploitée de toutes, pourrait aider à une révolution majeure pour notre planète : éviter la malnutrition, l’insécurité alimentaire et la pauvreté. 800 millions de personnes meurent de faim chaque année, et un enfant sur cinq est malnutri. Les algues peuvent aider contre le changement climatique, soutenir la biodiversité dans l’océan, nourrir l’humanité, développer une agriculture durable. Et pour cultiver cette ressource, il n’est besoin de terre, ni d’eau douce, ni de pesticides. Le CNRS héberge cette coalition en France : nous avons la seconde plus grande zone mari- time du monde.

Il existait un « Manifeste des algues », mais structure et concertation globale manquaient, alors que le potentiel de développement des algues est immense. Cette coalition rassemble les intervenants, établit des normes précises pour développer ce secteur susceptible d’apporter une solution mondiale, alors que la population croît dangereusement. L’exploitation des algues pourrait être à l’origine de créations d’emplois en zone côtière.
L’algue, très riche en nutriments et vitamines, est un biostimulant naturel des plantes. Ses com- posés peuvent se substituer aux plastiques pour l’emballage alimentaire et elle sert en pharmacie. L’algue séquestre le carbone et restaure la diversité aquatique en nettoyant l’océan, c’est un garant de la vie sous-marine. O.G.

Terramaïre, agir ensemble pour la qualité et l’autonomie

Arrivé dans les Cévennes en 2015 avec quelques autres familles, Fabian Ruiz pensait y créer un collectif, acheter un lieu, développer une production vivrière, en vendre le surplus.
Un collectif s’est organisé, mais à la réflexion, l’autonomie alimentaire étant impossible par nos seules productions, nous avons décidé plu- tôt de mettre en place un groupement d’achats : Terramaïre*. Nous avons rassemblé les besoins, créé une logistique permettant d’avoir des prix de gros, et, après étude de ce qui existait par ici, nous avons choisi des fournisseurs bio aux pratiques éthiquement responsables. Au début seulement des produits secs, non périssables, pour 30 ou 40 personnes adhérentes. Mais dès la seconde année, 150 personnes passaient leur commande chaque semaine, et aujourd’hui cela concerne 500 familles. Il a fallu gérer les conditions de stockage, louer un espace plus grand à Sumène, s’équiper de logiciels, silos, etc.
Le plus ardu c’est la gestion du temps : 34 groupements d’achats au long de l’année, certaines com- mandes hebdomadaires (œufs, légumes, vin, farine…), d’autres annuelles, jusqu’en Allemagne ou dans le nord de la France, et même du café zapatiste !

Sans oublier les transformateurs (confiture de châtaignes par exemple) et les apiculteurs.
À présent, le projet a changé : chacun s’est installé de son côté, mais tout le monde reste bénévole pour Terramaïre. Pas d’emploi créé, pas d’aide de la commune ni de personne, mais c’est le choix de la liberté. Depuis 5 ans Terramaïre a pu regrouper un réseau de producteurs bio en vue de l’autonomie alimentaire, aider pour trouver des terres à l’installation, soutenir les agriculteurs du coin, les motiver pour être certi és en bio…
Fabian Ruiz propose des plants, des poules de race, des œufs à couver, des poussins. Ce qui l’intéresse, c’est d’inventer des outils plus performants pour alléger les contraintes liées à son travail. Il est passionné d’agroécologie et de permaculture. Sa démarche actuelle — du savoir-faire et du savoir être vers le développement personnel — l’a conduit à Montpellier où il anime des jardins thérapeutiques et nourriciers avec des migrant.e.s.
O.G
* www.facebook.com/lesamisdeterramaire

Autosuffisance alimentaire en pays viganais ?

Jean-Baptiste Lemaire, pépiniériste à Aulas, cultive de jeunes fruitiers et a le projet de développer la culture d’agrumes résistant au froid.
Depuis 2019, il fait partie de PAÏS — Association Pour une Alimentation Indépendante et Solidaire — qui est un réseau d’entraide d’agriculteurs et jardiniers amateurs pour l’autonomie alimentaire du pays viganais.
Suite au mouvement des Gilets Jaunes, un lobby citoyen s’est créé pour développer l’autonomie alimentaire. Aujourd’hui PAÏS anime un groupe de discussion sur internet, et organise aussi des chantiers écologiques massifs CEM ? et des rencontres.
« L’été 2019, deux étudiantes de « Sup Ecolidaire* » sont venues en Pays Viganais et ont réalisé l’estimation de la superficie nécessaire à l’autosuffisance, en fonction du régime alimentaire conseillé, le végétalisme. En multipliant le rendement moyen à l’hectare par le nombre d’habitants, on obtient 500 à 1000 m2/hab/an. Et pour un régime carné classique, il faudrait dix fois plus, c’est-à-dire un hectare/hab/an. La Communauté des Communes Viganaises comprend un peu plus de 10 000 personnes. Il faudrait donc 1000 ha cultivés pour nourrir ces 10 000 habitants.

Autour du Vigan, la surface disponible pour être cultivée est aux environs de 260 ha ! C’est le quart ! Et sur ces 260 ha, il y a actuellement 200 ha d’oignons doux qui ne constituent pas un aliment de subsistance et sont largement exportés dans d’autres régions.
La solution ? Il existe quand même des terres cultivables dans ce territoire : il faut défricher, remonter les murs pour les terrassiers, remettre en état les réseaux d’irrigation… »

Jean Baptiste nous parle aussi de l’association Etika Mondo, basée dans le hameau de Gaujac, qui propose des stages aux citadin.e.s vers l’autonomie alimentaire, l’auto-construction, la gestion des déchets, etc. Etika Mondo agit pour la Sécurité Alimentaire Nationale, en maillant le pays de Fermes Ecologiques de Proximité.

*SUP’ÉCOLIDAIRE est un établissement d’enseignement supérieur post-bac indépendant qui forme — par une approche pluridisciplinaire et transversale — des étudiant.e.s souhaitant devenir des professionnel.le.s engagé.e.s dans la transition écologique, solidaire et citoyenne de notre société.

O.G.